Une situation inédite pourrait survenir lors de l’examen du budget de l’État à l’Assemblée nationale. En effet, si les députés votent sur la première partie du projet de loi de finances d’ici la fin de la semaine, il est possible qu’aucun vote favorable ne soit enregistré pour la section « recettes ».
Un scénario improbable mais envisageable
Ce scénario, qui paraît difficilement crédible, est néanmoins plausible. La séance doit prendre fin avant la date limite fixée par la Constitution, généralement fixée à la fin de la semaine, pour le vote en première lecture. Or, plus de 1 200 amendements restent encore à examiner, compliquant la procédure.
Ce qui rend cette situation encore plus étonnante, c’est que le texte n’est pas soutenu par tous les députés de la majorité. Lors d’une réunion lundi soir avec le gouvernement, les membres du « socle commun » (incluant La République en Marche, LR, etc.) ont décidé de ne pas voter en faveur de cette partie « recettes » dans son état actuel. Cette position a été confirmée le lendemain par l’entourage du ministre Sébastien Lecornu.
Une abstention inhabituelle
Traditionnellement, les députés favorables au gouvernement votent pour les textes budgétaires, tandis que l’opposition s’abstient ou vote contre. Cependant, dans ce contexte, cette règle ne s’applique pas. La majorité est divisée, et le gouvernement a renoncé à utiliser l’article 49.3 de la Constitution pour faire adopter le texte sans vote, afin d’éviter une censure des socialistes.
Un budget difficile à assembler
Les parlementaires doivent composer avec des mesures adoptées par divers groupes, ce qui rend le processus complexe. Le budget actuel est souvent qualifié de « Frankenstein » par certains, en raison de ses nombreuses mesures issues de différentes sources parlementaires.
Lors d’un échange avec Sébastien Lecornu, le « socle commun » a critiqué « l’insincérité de certaines mesures adoptées », notamment une taxe sur les multinationales mise en place via un amendement de La France insoumise. Les députés LR, représentés par Laurent Wauquiez, ont annoncé qu’ils rejetteraient le volet « recettes » du budget, dénonçant des « horreurs fiscales ».
Les positions des autres partis
Les socialistes, qui espèrent faire pencher le budget à gauche en votant la non-censure, estiment que le texte reste insuffisant. Ils ont notamment voté pour la réindexation de l’impôt sur le revenu, la hausse de la taxe Gafam ou encore l’augmentation de l’impôt sur les sociétés. Cependant, ils dénoncent un manque de justice fiscale, notamment sur le patrimoine.
Quant à la gauche radicale, comme La France insoumise ou le Parti communiste, ils avaient voté en faveur de la censure du Premier ministre en octobre, et il est peu probable qu’ils changent leur position. La droite extrême, représentée par le Rassemblement national, a clairement indiqué qu’elle votera systématiquement contre le budget, en raison notamment des augmentations d’impôts et du manque d’économies prévues.
Le vote en question : aura-t-il lieu ?
La grande incertitude concerne la possibilité pour les députés de voter réellement. À ce jour, il reste plus de 1 200 amendements à examiner sur la partie « recettes ». Si le gouvernement a déjà indiqué que le vote sur la section des dépenses est impossible, celui sur la première partie pourrait encore avoir lieu avant dimanche minuit.
En cas de rejet, le texte initial du gouvernement serait transmis au Sénat. Une autre option serait de prolonger les débats sans vote formel, permettant d’envoyer au Sénat le texte modifié par les amendements adoptés à l’Assemblée.
Le président de la commission des Finances, Éric Coquerel (LFI), a averti que le passage du budget par ordonnances pourrait intervenir si le délai constitutionnel de 70 jours était dépassé. Le Sénat pourrait alors ne voter que le 15 décembre, laissant peu de temps pour la navette parlementaire.
Une autre solution envisagée serait l’adoption d’une loi spéciale pour pallier l’absence d’un budget, avant qu’un nouveau ne soit présenté début d’année. Plusieurs acteurs politiques, qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition, privilégient cette option.
