Une démarche inédite pour suspendre la réforme des retraites
Ce mardi après-midi, le Premier ministre Sébastien Lecornu a annoncé avoir saisi le Conseil d’État d’une lettre rectificative pour le budget de la Sécurité sociale. Cette démarche vise à mentionner la suspension de la réforme des retraites dans le cadre de l’adoption du budget par ordonnance.
Jusqu’à présent, aucun projet de loi de finances n’avait été modifié de cette manière. Néanmoins, cette initiative a pour objectif de rassurer la majorité, notamment les socialistes, qui craignent une manœuvre pour contourner l’échec d’une suspension directe dans le budget traditionnel. La manœuvre pourrait ainsi garantir que la promesse de suspension soit respectée, même en cas de blocage au parlement.
Les enjeux de la procédure
Sébasitement, le gouvernement envisage de déposer une lettre rectificative qui sera examinée par le Conseil d’État jeudi, en présence du président Emmanuel Macron via visioconférence. La démarche consiste à modifier le contenu du budget de la Sécurité sociale, sans passer par un nouveau projet de loi.
Cette procédure est inédite dans l’histoire parlementaire française. Elle permettrait d’éviter un vote parlementaire traditionnel, souvent difficile dans un contexte de crispation politique. La crainte principale est que cette démarche ne soit qu’une solution de compromis, susceptible d’être contestée ou modifiée lors des délibérations.
Le contexte politique et le doute qui plane
Le président Emmanuel Macron a récemment semé le doute en affirmant qu’il n’y avait ni abrogation ni suspension de la réforme des retraites, évoquant plutôt un décalage. Cette déclaration a créé une incertitude parmi les acteurs politiques, notamment chez les socialistes. Sébastien Lecornu, lui, insiste sur le fait que le débat sur la suspension aura lieu, quoiqu’il arrive.
Les propos du Premier ministre restent néanmoins vagues quant à la méthode précise pour faire adopter cette suspension. Il a simplement indiqué qu’un amendement gouvernemental sera présenté lors de l’étude du budget, sans donner plus de détails sur sa portée ou ses chances d’être adopté.
Les difficultés d’adoption du budget
Pour que la suspension prenne effet, il faut que l’ensemble du budget de la Sécurité sociale soit adopté. Or, ce texte comporte de nombreuses mesures contestées, telles que le gel des prestations sociales, la suppression de 4 000 postes de professeurs ou la baisse du budget des hôpitaux.
Les oppositions, notamment à gauche, ont annoncé leur intention de faire obstacle à l’adoption du budget dans sa version actuelle. La majorité des sénateurs, souvent plus conservateurs, ont déjà exprimé leur opposition à toute suspension de la réforme, ce qui complique la perspective d’un accord lors de la commission mixte paritaire.
Le recours probable aux ordonnances
En cas d’échec à faire adopter le budget par le Parlement, le gouvernement pourrait avoir recours à des ordonnances pour le faire passer en force. Cette option permettrait de faire adopter le budget directement par le Conseil des ministres, sans passer par la procédure parlementaire classique, tout en conservant une apparence de légalité.
Ce recours aux ordonnances est une démarche rare depuis le début de la Ve République. Elle pourrait notamment permettre au gouvernement d’intégrer dans le texte final la suspension de la réforme, si la lettre rectificative est adoptée et validée par le Conseil d’État.
Une lettre rectificative, une preuve de bonne foi ?
La promesse de Sébastien Lecornu d’enregistrer une lettre rectificative est perçue comme un signe de bonne volonté. Elle doit d’abord être examinée par le Conseil d’État, qui sera spécialement réuni jeudi. Emmanuel Macron y participera par visioconférence. La question demeure : cette démarche traduit-elle une reconnaissance d’échec face à l’opposition parlementaire ou une simple manœuvre tactique ?
Ni Matignon ni le ministère des Relations avec le Parlement n’ont encore répondu à nos questions sur l’intention précise derrière cette lettre. La manœuvre pourrait signifier que le gouvernement anticipe une impossibilité à faire suspendre la réforme par voie parlementaire, et qu’il privilégie donc une solution d’urgence par ordonnance.
