
La Banque centrale européenne (BCE) signe une note qui tranche avec la marche forcée vers le tout-numérique. Dans une étude publiée mercredi, l’institution recommande à chaque Européen de conserver chez soi un petit stock d’espèces suffisant pour « couvrir les besoins essentiels pendant environ 72 heures » en cas d’« instabilité systémique majeure ». À titre d’exemple, Pays-Bas, Autriche et Finlande invitent déjà leurs citoyens à garder entre 70 et 100 € par personne.
Ce que la BCE suggère concrètement : 72 heures d’autonomie en cash
L’idée n’est pas de remplir un coffre-fort, mais d’anticiper une panne des canaux de paiement (réseaux, terminaux, applications) en gardant un modeste fonds d’espèces facilement mobilisable pour l’alimentaire, le carburant ou des besoins courants.
Cette recommandation s’appuie sur l’observation de quatre épisodes récents en Europe : la pandémie de Covid-19, le début de la guerre en Ukraine, la panne géante du réseau espagnol au printemps 2025 et la crise de la dette grecque. À chaque fois, le recours au liquide a joué un rôle d’appoint immédiat lorsque la confiance ou les infrastructures étaient mises sous pression.
Quand les crises font (re)monter le cash
Les données compilées par la BCE sont parlantes. Au premier trimestre 2020, au démarrage de la pandémie, l’émission nette de billets en euros a bondi de plus de 140 milliards d’euros (contre ~55 milliards lors d’une année « normale »). Autour de l’Ukraine, le début de l’invasion russe s’est traduit par +36 % d’émissions.
En Espagne, après la panne massive d’avril 2025, les retraits aux DAB ont fortement grimpé, y compris dans des zones non touchées, signe d’un réflexe de précaution. En Grèce, la demande de cash a connu des pics récurrents durant les phases aiguës de tension financière.
Pour les auteurs de la note, deux raisons expliquent ce « retour réflexe » aux espèces : une utilité pratique « hors ligne » quand les systèmes numériques défaillent, et une dimension psychologique – le cash, tangible, rassure et redonne un sentiment de contrôle. Un paradoxe assumé par la BCE : alors que les paiements dématérialisés progressent, l’utilité du liquide s’intensifie dès que la stabilité vacille.
À retenir : conserver 70 à 100 € par personne chez soi n’est pas une défiance envers le numérique, mais une assurance de 72 heures face aux imprévus (panne réseau, cyberattaque, crise). Un filet de sécurité simple, complémentaire à nos usages de paiement au quotidien.