
L’idée fait frémir : et si vos messages, photos et vidéos n’étaient plus tout à fait privés ? Derrière l’acronyme CSAM (pour Child Sexual Abuse Material), Bruxelles discute d’un règlement surnommé « Chat Control 2.0 » qui autoriserait, sous conditions, le repérage automatique de contenus pédocriminels sur les messageries chiffrées comme WhatsApp, Signal, Telegram ou les e-mails sécurisés. Une date circule pour une adoption formelle – le 14 octobre 2025 – mais le texte, déjà l’un des plus controversés du mandat européen, divise profondément institutions, États membres et ONG. Voici ce qu’il faut retenir.
Chat Control 2.0, qu’est-ce que c’est exactement – et qu’est-ce que cela changerait pour WhatsApp et Signal ?
La première mouture, dite Chat Control 1.0 (2021), laissait aux plateformes la possibilité de détecter et signaler, sur une base volontaire, des contenus illicites liés aux abus sur mineurs. La version 2.0 franchirait un cap : imposer, sur décision d’une autorité compétente, des « ordres de détection » ciblant certains services, afin d’identifier des images, vidéos ou liens déjà connus (via des empreintes numériques) et, potentiellement, des tentatives d’« approche » de mineurs.
Dans les faits, cela pourrait passer par des techniques de « client-side scanning » (analyse directement sur l’appareil), avant ou au moment de l’envoi. Les partisans du texte rappellent que le chiffrement de bout en bout empêche aujourd’hui de repérer certains contenus et que les signalements humains restent largement insuffisants face à l’ampleur des crimes. L’objectif affiché : mieux protéger les enfants, accélérer les enquêtes et retirer plus vite les contenus.
Chiffrement, vie privée et faux positifs : pourquoi le projet CSAM déchaîne les critiques
C’est là que le bât blesse. Défenseurs des libertés numériques, chercheurs en sécurité et plusieurs États membres alertent : scanner de manière proactive des communications privées reviendrait, selon eux, à affaiblir le chiffrement pour tous, ouvrant la porte à des dérives (surveillance de masse, réutilisation malveillante des outils, ciblage politique) et à des erreurs de détection.
La Commission européenne assure que le dispositif serait ciblé, proportionné, limité aux contenus CSAM et assorti de safeguards (contrôle judiciaire, transparence, recours). Mais le consensus est loin d’être atteint : le dossier, en négociation depuis 2022, clive les capitales. Des ONG et observatoires spécialisés décrivent un paysage très partagé, la France figurant parmi les pays exprimant des réserves sur l’impact du texte pour la vie privée et la sécurité des données.
Résultat : à un mois d’une éventuelle échéance, rien n’est acté. Le compromis final devra concilier protection de l’enfance, respect du secret des correspondances et solidité technique du chiffrement. Un équilibre délicat que le législateur européen n’a encore jamais eu à trancher à cette échelle.
À retenir : vos messages restent aujourd’hui chiffrés et rien ne change tant que le règlement n’est pas adopté et mis en œuvre. La bataille autour de Chat Control 2.0 se joue désormais sur un fil : comment renforcer la lutte contre la pédocriminalité sans fragiliser la confidentialité des communications de tout un chacun.