
Passenger airplane landing at dusk
Le réchauffement climatique ne bouleverse pas seulement nos étés : il rebat aussi les cartes du voyage. Dans The Guardian, le chercheur Stefan Gössling annonce l’entrée dans « une ère du non-tourisme » où partir loin coûtera de plus en plus cher et deviendra moins accessible. Canicules, incendies, stress hydrique, érosion côtière… les signaux sont déjà là et poussent une part du secteur à se remettre en question.
Canicules, incendies, sécheresses : pourquoi voyager loin va coûter plus cher
L’équation est simple : des événements extrêmes plus fréquents rendent certaines destinations moins attractives et augmentent les coûts pour s’y rendre comme pour y séjourner. Les stations alpines voient la neige reculer, les plages du sud de l’Europe s’éroder, des îles grecques sont régulièrement touchées par des feux de forêt, et des hôtels espagnols doivent parfois acheminer de l’eau douce pour maintenir leurs piscines. À court terme, ces aléas pèsent sur l’assurance, la logistique, l’énergie, donc sur les prix finaux. À moyen terme, la facture grimpera aussi via des politiques climatiques plus strictes – taxe carbone sur l’aviation, objectifs de décarbonation des chaînes d’approvisionnement – qui renchériront les billets long-courriers.
Les territoires les plus exposés cumulent vulnérabilité climatique et dépendance au tourisme. Dans l’Égée, Kos, Rhodes ou Mykonos, mais aussi certaines îles ioniennes comme Corfou, vivent déjà sous cette pression. « Pour l’instant, la menace est locale ; demain, elle sera systémique », prévient Gössling, qui voit s’éloigner le modèle d’un tourisme de masse à bas prix, né en Europe après la Seconde Guerre mondiale.
Tourisme de masse et empreinte carbone : le secteur face à un virage
Lors de la convention ITB de Berlin, le chercheur a rappelé l’ordre de grandeur : le tourisme représente environ 8,8 % des émissions mondiales liées au réchauffement, et 1 % de la population concentrerait la moitié des émissions de l’aviation. Faire voyager un peu moins ce groupe le plus volant permettrait déjà de réduire d’un quart les émissions aériennes, avance-t-il. Le message vise les « grands voyageurs » – voyages au long cours, années sabbatiques, nomadisme vanté par certains influenceurs – sans exonérer pour autant les « citoyens ordinaires » d’un effort collectif.
Concrètement, le secteur se prépare à un double ajustement. D’un côté, les opérateurs et les destinations cherchent à sécuriser leurs saisons (reculer les pics de fréquentation, mieux gérer l’eau, adapter l’hébergement, protéger les littoraux). De l’autre, l’offre évolue : séjours plus longs, moins fréquents, choix de modes de transport moins carbonés quand c’est possible, montée en gamme de la proximité (train + nuitées dans des régions tempérées), et transparence accrue sur l’empreinte carbone des forfaits.
Reste une question politique et sociale : qui pourra encore s’offrir des vacances lointaines si les coûts grimpent ? Pour Gössling, la réponse passe par un atterrissage du tourisme de masse tel qu’on l’a connu, au profit d’un modèle plus sobre, plus résilient et – inévitablement – plus sélectif. Les prochains étés diront si cette trajectoire s’impose par choix… ou par contrainte.