
Un basculement historique qui inquiète démographes et économistes
C’est un chiffre qui fait date et qui secoue le pays. Pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la France compte désormais plus de décès que de naissances sur douze mois. Un véritable choc démographique, qui risque d’avoir des conséquences profondes et durables sur notre économie comme sur notre système social.
Quand les naissances ne suivent plus…
Mai 2025 restera comme le mois où tout a basculé : 651 000 décès, 650 000 naissances sur un an. Le solde est négatif, et cette fois, le phénomène ne se limite plus à la France métropolitaine, il touche aussi les outre-mer. Les experts, comme l’économiste François Geerolf (OFCE), le répètent : « cela arrive plus vite que prévu ». Même les projections les plus récentes n’anticipaient pas un tel retournement avant 2027, voire 2035 selon l’Insee.
Il faut remonter à 1945, ou même à 1935 si l’on met la guerre de côté, pour retrouver une telle situation. La France tourne définitivement la page de son « exception démographique », elle qui résistait jusqu’ici mieux que ses voisins européens au vieillissement de la population.
Un phénomène structurel, pas un simple accident de parcours
Ce nouveau déséquilibre n’est pas seulement passager. Pour la première fois, la dénatalité n’est plus liée à une crise économique ou sanitaire, mais s’installe comme une réalité profonde et durable. Depuis 2010, la natalité a chuté de près de 20 %. Le nombre de naissances baisse, pendant que les baby-boomers deviennent des « papy-boomers » et font mécaniquement grimper le nombre de décès.
Les conséquences ?
- Moins d’enfants à l’école, donc des fermetures de classes et d’établissements
- Moins d’étudiants à l’université, moins de jeunes sur le marché du travail
- Une population active qui va commencer à décliner dès 2036 dans certaines régions
- Moins de cotisants pour financer retraites et protection sociale
« On va manquer de travailleurs avant même de manquer de travail », résume Maxime Sbaihi, économiste.
Le modèle social français sous pression
Le système de protection sociale repose sur la solidarité entre générations : les actifs financent retraites et soins des plus âgés. Mais quand la base de la pyramide se rétrécit, c’est tout l’édifice qui menace de vaciller. Déjà, la France a perdu 500 000 écoliers et fermé 5 000 écoles en dix ans. Demain, ce sera au tour des universités et du marché du travail d’être impactés, avec un risque de baisse de la croissance et du niveau de vie.
La dépendance, elle aussi, devient un sujet brûlant : plus de personnes âgées à accompagner, moins de bras disponibles, et des finances publiques mises à rude épreuve.
Immigration, robots… ou miracle de la natalité ? Quelles solutions ?
Face à ce basculement, quelles marges de manœuvre pour les pouvoirs publics ? Difficile de miser sur une hausse des cotisations, déjà élevées. L’immigration apparaît comme une réponse évidente pour certains, mais soulève aussi des questions éthiques et économiques.
Julien Damon, spécialiste des questions démographiques, note :
« Il faut surtout jouer sur le taux d’activité, notamment des jeunes et des seniors, et sur l’âge d’entrée et de départ à la retraite. »
D’autres imaginent un recours accru à l’automatisation ou à la robotisation, comme l’a fait le Japon, mais le débat est loin d’être tranché.
La France entre dans l’ère du vieillissement
Ce solde naturel négatif, désormais durable, marque la fin d’une époque. La France rejoint le club des pays européens à la démographie vieillissante. Le défi qui s’annonce est immense, autant pour le modèle social que pour la cohésion nationale.