
L’alerte de l’ACPR : un phénomène qui prend de l’ampleur
C’est une menace discrète, mais terriblement efficace, qui se répand dans le paysage bancaire français. L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) vient de tirer la sonnette d’alarme dans son dernier rapport : l’arnaque dite des « comptes rebonds » est en train de faire des ravages. Rien qu’en 2023, pas moins de 661 millions d’euros auraient transité par ces comptes fantômes, principalement hébergés chez des banques en ligne.
Comptes rebonds : comment fonctionnent ces « lessiveuses » numériques ?
Imaginez la scène : vous êtes victime d’une escroquerie, et vos 10 000 euros ne font que passer sur le compte d’un escroc avant de rebondir à toute vitesse sur une demi-douzaine d’autres comptes, parfois créés sous de fausses identités. Résultat : l’argent devient quasi impossible à tracer. En quelques heures, il a déjà traversé plusieurs banques, souvent à l’étranger – Luxembourg, Lituanie, Allemagne. Là-bas, les démarches pour récupérer la mise prennent des mois, parfois des années.
Les escrocs misent tout sur la rapidité. Ils utilisent les virements instantanés, ouvrent et ferment des comptes en un rien de temps et, selon l’ACPR, 70 % de ces comptes disparaissent dans l’année. Le but : faire disparaître l’argent avant même que les enquêteurs ne s’en rendent compte.
Kiabi, victime d’une arnaque d’envergure aux comptes rebonds
L’histoire a fait grand bruit dans le secteur : pendant un an, la trésorière de Kiabi a détourné pas moins de 100 millions d’euros en exploitant la technique des comptes rebonds. Installée à un poste-clé, elle a su maquiller ses transactions frauduleuses en opérations internes classiques, noyant la fraude dans le flot des mouvements quotidiens de l’entreprise. La supercherie a tenu douze mois, jusqu’à ce qu’elle soit finalement démasquée, puis mise en examen. Si Kiabi a tenu bon, l’affaire prouve que même les groupes les plus solides ne sont pas à l’abri de ce genre d’arnaque.
Banques en ligne : le maillon faible ?
Pourquoi les banques 100 % digitales sont-elles les cibles préférées des fraudeurs ? Simple : leur promesse de simplicité joue en faveur des escrocs. Ouvrir un compte prend à peine dix minutes, les contrôles d’identité sont parfois très légers, et le coût d’une vérification peut descendre à une douzaine d’euros seulement. Dans ce contexte, les fraudeurs en profitent pour multiplier les ouvertures de comptes, souvent à l’aide de fausses identités, de complices appelés « mules », voire de logiciels sophistiqués capables d’imiter un vrai visage.
Des règles plus strictes pour tenter de freiner l’hémorragie
Face à ce phénomène inquiétant, l’ACPR veut serrer la vis. L’organisme appelle les banques à renforcer leurs contrôles à l’ouverture des comptes, à surveiller de près les mouvements suspects (comme un étudiant qui reçoit soudainement une grosse somme, ou un retraité qui transfère l’intégralité de son compte à l’étranger) et à limiter les montants transférables depuis un nouveau compte. Les banques en ligne sont donc sommées de se montrer aussi vigilantes que les établissements traditionnels.
Reste à savoir si ces nouvelles mesures suffiront à freiner la vague des comptes rebonds…
Dans tous les cas, prudence est plus que jamais de mise, pour les banques comme pour leurs clients.