
Le monde de la télévision a perdu ce lundi 14 juillet l’une de ses figures les plus singulières. Thierry Ardisson, l’inoubliable « Homme en noir », s’est éteint des suites d’un cancer du foie. Ceux qui l’ont côtoyé le savaient perfectionniste, contrôlant tout, même l’après. Et jusqu’au bout, Ardisson aura mis en scène sa sortie. Dans son dernier ouvrage, L’homme en noir, publié en mai, il avait déjà imaginé sa propre disparition, sans que personne ne devine la portée réelle de ce récit.
La journaliste Léa Salamé a rappelé sur Instagram cette mise en scène glaçante, confiant ne pas avoir compris, à la première lecture, l’intention derrière les pages de l’animateur. « Aujourd’hui, je vais le relire, mais sans me marrer », écrit-elle. Ardisson, toujours visionnaire, rêvait, dit-elle, d’entrer dans le dictionnaire. Son nom, désormais, appartient à la mémoire collective.
Tout était prêt : funérailles, mémoire, playlist…
Les indices de cette préparation à la grande sortie étaient pourtant visibles. Sur la couverture de son livre, Ardisson marchait seul vers une lumière blanche, comme un ultime plateau télé. Il racontait d’ailleurs lui-même, il y a quelques mois, comment il imaginait sa mort : une balle en pleine tête en direct, et tous ses invités venus saluer l’homme derrière l’émission, alors que l’agonie se poursuit sur le plateau.
Pour l’animateur, même la façon dont on se souviendrait de lui avait son importance. En 2022, il confiait à TV Magazine son souhait d’épitaphe : « Putain, ce mec-là, il avait des idées ». Pas besoin de discours interminables ou d’hommages surjoués. Juste cette reconnaissance de son audace, affichée un soir au « 20 Heures ».
Un héritage numérique et une dernière volonté très personnelle
Ardisson n’a rien laissé au hasard. En 2020, il lançait avec l’INA la chaîne YouTube Arditube, qui rassemble plus de 5 000 vidéos retraçant quarante ans d’émissions et d’interviews. Sa mémoire télévisuelle, il l’a voulue vivante et accessible, à l’heure d’Internet.
Au lendemain de son décès, journalistes et proches ont reçu une compilation vidéo de ses plus grands moments télé. Une séquence de 15 minutes, prévue de longue date, faisait partie de ses dernières volontés. Même la manière dont il voulait être célébré, il l’avait écrite noir sur blanc.
Des obsèques à son image, avec la bande-son qui va avec
Du côté de la famille et des proches, rien n’a été improvisé non plus. Ardisson confiait récemment qu’il voulait réunir ses trois épouses, ses amis, sa famille. Il avait déjà la playlist en tête : « Lazarus » de David Bowie, « In My Life » des Beatles, repris par Sean Connery… Et il tenait à l’encens, aux enfants de chœur, à toute la mise en scène. Une dernière célébration, tout sauf banale.
« Voir la mort arriver en face »
Si la vie lui a appris une chose, c’est de ne jamais laisser le hasard décider pour lui. Ardisson l’avait dit au Parisien il y a à peine deux mois : « Je veux voir la mort arriver en face, pas qu’elle me prenne par surprise ». Son épouse, la journaliste Audrey Crespo-Mara, filmait depuis plusieurs mois les coulisses de ses derniers moments pour un documentaire, bientôt diffusé sur TMC.
Thierry Ardisson n’aura jamais cessé de mettre en scène sa propre histoire y compris la dernière. Et ce contrôle, cette manière de tourner la page à sa façon, c’est sans doute ce qui restera dans la mémoire de tous ceux qui l’ont suivi et aimé.