
Face à l’afflux touristique, la Corse veut responsabiliser les vacanciers
Chaque été, la Corse accueille un véritable raz-de-marée de touristes : près de trois millions de visiteurs pour une île qui ne compte que 350 000 habitants à l’année. Résultat, la gestion des déchets explose… et la facture aussi. Ici, chaque Corse paie en moyenne près de 300 euros par an pour l’enlèvement des ordures, soit trois fois plus que la moyenne nationale. Un constat qui pousse aujourd’hui les élus à réclamer un geste des touristes de passage.
Un projet de taxe déchets sur la table
François-Xavier Ceccoli, député LR de Haute-Corse, n’a pas lâché l’affaire : il vient de déposer une proposition de loi pour instaurer une « taxe déchets » spécialement destinée aux touristes. Le principe ? Ajouter entre 0,50 € et 1,50 € par nuitée et par visiteur, en plus de la taxe de séjour déjà existante. Objectif affiché : que chacun participe, à sa mesure, à l’effort collectif.
Des millions en jeu pour soulager les habitants
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : la mesure pourrait rapporter entre 15 et 45 millions d’euros par an à la collectivité, selon le calcul basé sur les 34,7 millions de nuitées enregistrées lors de la saison 2024. Pour François-Xavier Ceccoli, il s’agit d’une « mesure de justice sociale », qui pourrait même inspirer d’autres régions françaises confrontées à la même problématique.
Pourquoi la Corse paie-t-elle autant ?
Ce n’est pas qu’une question de surfréquentation. Les chiffres de l’Insee publiés en juin dernier sont sans appel : en 2021, l’île a généré 251 000 tonnes de déchets, soit 722 kg par habitant contre 548 kg sur le continent. Mais c’est aussi le coût du traitement qui explose. « Dans le Cap Corse, on atteint 645 euros la tonne, alors que la moyenne française est à 297 euros », souligne Ange-Pierre Vivoni, maire de Sisco et président de l’association des maires de Haute-Corse. Ici, les camions-poubelles font presque mille kilomètres par jour pour assurer la collecte, sur des routes parfois escarpées et peu accessibles.
Les camping-cars dans le viseur
Si l’idée d’une taxe fait son chemin, certains élus estiment qu’il faut aussi cibler les comportements les plus problématiques. Les camping-cars, vans et caravanes itinérants sont particulièrement pointés du doigt pour le camping sauvage, le rejet d’eaux usées et le dépôt sauvage d’ordures dans les poubelles communales. « On ne sait même pas combien ils sont chaque été… et ils échappent à la taxe de séjour », déplore Ange-Pierre Vivoni.
Des infrastructures saturées, un tri insuffisant
Au-delà de la taxe, la Corse doit aussi revoir en profondeur ses infrastructures. Les deux centres d’enfouissement privés de l’île saturent régulièrement. Le tri sélectif, lui, reste le parent pauvre : moins de 40 % des déchets corses sont effectivement triés, bien en-deçà des normes européennes. « Il y a urgence à agir, la taxe ne fera pas tout mais elle peut être un point de départ », conclut Vivoni.
Et maintenant ?
Le débat ne fait que commencer, mais une chose est sûre : la Corse n’a plus le luxe d’attendre. Entre justice fiscale et protection de l’environnement, la « taxe déchets » ouvre un nouveau chapitre dans la gestion de l’île face à l’afflux touristique. Reste à savoir si la mesure sera adoptée… et si elle fera école ailleurs.