
PHOTO CLAUDE BOYER / L'INDEPENDANT / BILLETS DE BANQUE /
Un plein d’essence, une demande d’aide… et une belle arnaque
La scène peut sembler banale, presque touchante : une voiture étrangère, visiblement en panne, garée près d’une station-service ou sur une route départementale. À son bord, une famille, parfois avec un enfant, vous fait de grands signes. Ils expliquent qu’ils n’ont plus d’essence, pas de carte bancaire, et vous demandent de l’aide. En échange de quelques euros, ils vous proposent leur propre monnaie, en coupures bien visibles, parfois même en disant que vous y gagnez.
Mais derrière cette mise en scène bien rodée se cache une escroquerie qui prend de l’ampleur sur les routes françaises.
Le piège fonctionne souvent… car il joue sur l’émotion
Face à une famille apparemment en détresse, beaucoup d’automobilistes baissent la garde. Le fait qu’un enfant soit présent ou que l’homme parle un français correct rend la situation encore plus crédible. Et pour achever de convaincre, les escrocs vous montrent le taux de change en ligne : vous donnez 100 euros, on vous remet l’équivalent de 120 ou 130 en monnaie étrangère. À première vue, c’est un geste solidaire… et une bonne affaire.
Sauf que ces billets n’ont en réalité aucune valeur. Soit ils sont complètement faux, soit ce sont d’anciennes devises obsolètes et plus du tout en circulation.
Des arnaques signalées dans plusieurs régions
Ouest-France a récemment rapporté une multiplication de ce type d’escroqueries dans le Maine-et-Loire. Une responsable d’un bureau de change à Angers raconte avoir reçu six personnes en une semaine, toutes venues avec des billets similaires, espérant les convertir. Résultat : tous les billets étaient inutilisables. Certains dataient d’avant 2017 et n’étaient plus reconnus depuis 2022.
Elle se souvient d’un cas particulièrement marquant : un client s’était fait avoir pour 900 euros. D’autres témoignages du même genre remontent dans le Jura ou encore dans le Lot-et-Garonne, où une arnaque vieille de quelques années montre que cette méthode n’est pas nouvelle… mais reste terriblement efficace.
La monnaie biélorusse en première ligne
La devise la plus souvent utilisée dans cette arnaque serait le rouble biélorusse, notamment des billets de 500. Visuellement, ils peuvent paraître authentiques – marron et jaune, bien imprimés – mais inutilisables en France. Et même si certains sont vrais, ils ne peuvent plus être échangés. En cause : la situation politique du pays et son isolement lié à la guerre en Ukraine, qui a poussé de nombreux établissements financiers à refuser toute opération en monnaie biélorusse.
Un responsable du réseau Change by Fidso confirme que ce type de demandes est devenu courant. Et même s’il reste difficile d’évaluer l’ampleur du phénomène, les signalements se multiplient.
Quand les forints hongrois remplacent les lev bulgares…
Dans d’autres versions du scénario, les escrocs vont encore plus loin. Dans un cas relayé par Le Républicain Lot-et-Garonne, un habitant de Marmande a croisé une BMW à l’arrêt, occupée par un couple se disant bulgare avec leur enfant. L’homme lui propose 500 lev bulgares (environ 250 euros selon les taux), en échange de 150 euros. Sur le papier, tout semble en règle.
Mais en vérifiant plus tard, l’automobiliste découvre que le billet n’est pas un lev bulgare, mais un forint hongrois. Et là, mauvaise surprise : 500 forints ne valent qu’environ 1,20 euro. Une supercherie qui passe d’autant mieux que peu de gens savent reconnaître ces devises à l’œil nu.
Que faire si vous êtes abordé ?
Si vous croisez une voiture avec une famille qui vous fait signe et vous propose d’échanger de l’argent, gardez vos distances. Même si l’histoire paraît crédible, même si les billets ressemblent à de la vraie monnaie. Ne donnez jamais d’argent en échange de devises que vous ne connaissez pas, même si un site de conversion semble vous prouver le contraire.
Et surtout, si vous avez un doute ou êtes victime, n’hésitez pas à contacter les forces de l’ordre. Ces escroqueries itinérantes sont bien organisées, et plus elles seront signalées, mieux elles pourront être stoppées.
Sur la route aussi, la prudence est de mise
On aimerait pouvoir croire qu’aider un inconnu reste un geste simple et sans risque. Mais sur les routes, certains profitent justement de cette bienveillance. Derrière un appel à l’aide, c’est parfois un piège bien préparé. Et en matière de devises étrangères, mieux vaut se montrer prudent… que généreux à ses dépens.