
Dimanche, les Roumains ont voté. C’était un scrutin important, attendu, tendu parfois. Et au bout du compte, c’est Nicusor Dan, maire de Bucarest, candidat centriste et pro-européen, qui l’a emporté avec un peu plus de 54 % des voix. En face, George Simion, figure du nationalisme roumain, n’a pas réussi à convaincre assez d’électeurs. L’histoire aurait pu s’arrêter là. Sauf que non. Un message inattendu a jeté un froid, voire un sacré doute.
Quand Telegram s’invite dans l’élection
Quelques heures à peine après la fermeture des bureaux de vote, Pavel Durov, le fondateur de Telegram, publie un message sur sa propre appli. Il accuse un gouvernement d’Europe de l’Ouest – sans jamais le nommer – d’avoir tenté d’influencer le scrutin roumain en demandant à Telegram de supprimer des messages jugés « trop conservateurs ».
Et pour aider ses abonnés à deviner de quel pays il parle, il ajoute une émoticône en forme de baguette de pain. Tu vois le tableau.
Sans surprise, tout le monde pense immédiatement à la France. Et là, forcément, ça explose.
“Je n’ai rien supprimé” assure Durov
Durov explique avoir refusé de céder à cette demande, affirmant que Telegram ne bloquerait pas des opinions politiques, quelles qu’elles soient. “Je m’y suis opposé fermement. Telegram ne restreindra pas les libertés des utilisateurs roumains”, écrit-il. Le souci, c’est que ce message tombe le jour même de l’élection. Autant dire que l’effet est immédiat.
Du côté de George Simion, on saute sur l’occasion. Il partage le message, s’en empare, parle d’ingérence étrangère. Dans le camp de Nicusor Dan, on ne cache pas l’agacement : pour eux, cette prise de parole de dernière minute est une tentative claire d’influencer les électeurs.
Paris dément, Bucarest s’agace
En France, le ministère des Affaires étrangères n’a pas mis longtemps à réagir. Sur le réseau X, il parle de “propos sans fondement” et dénonce ce qu’il considère comme une diversion. L’idée ? Faire croire à une main française derrière l’élection, alors que les vraies menaces d’ingérence viendraient d’ailleurs, notamment de la Russie.
Le gouvernement roumain dit un peu la même chose. Il accuse certains messages sur Telegram de chercher à perturber l’élection, en diffusant des intox bien ciblées, qui porteraient – encore une fois – la marque de la propagande russe.
Un entrepreneur qui dérange
Pavel Durov, ce n’est pas n’importe qui. Fondateur de l’une des messageries les plus utilisées au monde, souvent présenté comme un défenseur de la liberté d’expression, il est aussi dans le viseur de la justice française. Depuis août, il est mis en examen dans une affaire liée à la criminalité organisée. On lui reproche notamment de ne pas avoir agi assez fermement contre des contenus illégaux diffusés via Telegram.
Alors oui, sa sortie sur la Roumanie peut être vue comme un geste de principe… ou comme une manière de détourner l’attention à un moment stratégique.
L’élection est passée, Nicusor Dan a gagné, mais cette histoire laisse un goût étrange. Une émoticône, un message flou, des accusations sans preuves… et voilà une élection qui se retrouve mêlée à une polémique numérique de plus.
Dans un monde où les plateformes comme Telegram pèsent de plus en plus lourd dans le débat public, la frontière entre information, communication et influence devient floue. Très floue. Et parfois, une simple baguette de pain suffit à tout faire déraper.