
Un président sous pression qui revient au contact
On ne l’avait pas vu parler aussi longuement depuis longtemps. Ce mardi soir, Emmanuel Macron s’est invité dans le salon de millions de Français pour une interview XXL sur TF1. Un exercice rare, qui a duré plus de trois heures. Et pas uniquement face à des journalistes : il a répondu à des citoyens, des figures de la société civile, parfois même à des critiques bien directes. Un moment pensé pour retisser le lien. Ou, disons-le franchement, pour tenter de reprendre la main après des mois de tensions, de colère sociale, et d’une majorité introuvable à l’Assemblée.
Huit ans après son arrivée à l’Élysée, le chef de l’État a voulu montrer qu’il était toujours là, qu’il avait des choses à dire, des projets à défendre, des lignes rouges à poser. Sur l’Ukraine, la fin de vie, l’économie ou même les prisons, il a voulu répondre à tout. Ou presque.
Ukraine : de la fermeté mais sans illusion
Sur la guerre en Ukraine, Macron a rappelé l’objectif : un cessez-le-feu de trente jours. Sur le papier, ça semble simple. En réalité, il sait que ce ne sera pas pour demain. Il l’a dit lui-même : même les Ukrainiens ne croient plus à un retour intégral de leurs territoires. Mais le président veut y croire. Ou au moins faire en sorte que l’Europe montre les muscles, avec des sanctions qui pourraient tomber « dans les prochains jours » si la Russie refuse la proposition. Il a aussi tenu à rappeler que personne ne cherche une nouvelle guerre mondiale – juste un peu de stabilité.
Pas touche aux avoirs russes… pour l’instant
235 milliards d’euros d’avoirs russes gelés dorment quelque part. Mais Macron ne veut pas les confisquer brutalement. Pourquoi ? Parce que juridiquement, on ne peut pas. Et parce que, dit-il, il faut garder le contrôle si un jour le vent tourne. Pour l’instant, ce sont les intérêts générés par ces avoirs qui financent l’aide à l’Ukraine.
Le nucléaire ? Pas question de tout partager
Quand il s’agit de dissuasion nucléaire, le président ne veut pas trop ouvrir la porte. Oui, il est prêt à en discuter avec les voisins européens. Mais pas à n’importe quel prix. Pas question que la France paie pour les autres, ni qu’elle perde le contrôle de sa dissuasion. Il reste maître de la décision, point barre.
Guerre commerciale : le ton monte avec les États-Unis et la Chine
Le dossier du moment, c’est aussi la guerre commerciale qui menace. Cognac, vin, produits français : tout est potentiellement dans le viseur des taxes américaines. Macron a été clair : la France ne se laissera pas faire. Il promet que l’Europe va se battre, et que lui reste « raisonnablement optimiste ». Un peu de fermeté, un peu de diplomatie… la ligne est fine.
Fin de vie : une loi… ou un référendum si ça coince
Le président s’est aussi exprimé sur un sujet profondément humain : la fin de vie. Il soutient la loi en discussion à l’Assemblée et espère qu’elle ira jusqu’au bout. Mais si les débats s’enlisent ? Il n’écarte pas un référendum. Et tant qu’à faire, pourquoi pas organiser plusieurs consultations d’un coup, sur d’autres grandes réformes. Un grand coup de balai institutionnel ? Peut-être. Il n’a rien exclu.
Retraites : on ne revient pas en arrière
Sur la réforme des retraites, Macron a campé sur sa position. Oui, elle a été impopulaire. Non, elle ne sera pas abrogée. Pour lui, c’est une question de survie du système. Il a répété que revenir en arrière coûterait trop cher et qu’on ne pouvait pas se le permettre. Il reste donc ferme, tout en espérant quelques ajustements issus des discussions en cours avec syndicats et patronat.
ArcelorMittal, héritages, prisons : des réponses sans détour
À ceux qui demandent la nationalisation d’ArcelorMittal, le président dit non. Pour lui, ce serait gaspiller l’argent public dans une entreprise qui n’arrive pas à se positionner sur le marché. En revanche, il promet de tout faire pour sauver les sites français. Même logique sur la question de l’héritage : pas question de taxer davantage. Mieux vaut, selon lui, aider les Français à se construire un patrimoine.
Sur les prisons, il s’est montré plus surprenant : il envisage de louer des places à l’étranger si nécessaire. Et il veut renforcer les pouvoirs des polices municipales, toujours sous le regard des procureurs.
Gaza : une condamnation, mais pas de mot de trop
Interrogé sur la situation à Gaza, Macron n’a pas mâché ses mots. Il a parlé d’un « drame », d’une « stratégie inacceptable » de la part d’Israël. Mais il s’est gardé d’utiliser le mot « génocide ». Selon lui, ce n’est pas à un responsable politique de trancher ce genre de qualification. Ce sera aux historiens de le dire un jour.
Bayrou toujours soutenu malgré la polémique
Concernant François Bayrou, empêtré dans l’affaire Bétharram, Macron a été fidèle à lui-même : il lui maintient sa confiance. Il dit savoir « qui il est », et se dit certain qu’il répondra de tout sans esquive.
Et le sport ? Pas de signes religieux en compétition
Enfin, sur un sujet plus symbolique, le président s’est dit opposé au port de signes religieux – notamment le voile – dans les compétitions sportives. Pour lui, c’est une question d’égalité. En dehors des compétitions, il laisse les fédérations décider.
Un président qui veut renouer le dialogue
En trois heures, Emmanuel Macron a tenté de se reconnecter à un pays qui, souvent, ne l’écoute plus. Il a répondu, expliqué, parfois répété, souvent affirmé. Ce n’était pas un mea culpa. C’était un retour sur scène. Reste à voir si les Français, eux, sont prêts à le suivre.