
France's newly-appointed Prime Minister and President of the Democratic Movement (MoDem) party Francois Bayrou speaks during a handover ceremony at the Hotel Matignon in Paris on December 13, 2024. Bayrou, who was appointed nine days after Michel Barnier's government was ousted by parliament in a historic no-confidence vote following a standoff over an austerity budget, has the daunting task of hauling France out of months of political crisis. (Photo by Abdul Saboor / POOL / AFP)
C’est une phrase qu’on ne s’attendait pas à entendre au détour d’une séance parlementaire. Et pourtant, ce mardi, au beau milieu des questions au gouvernement, François Bayrou a lâché une annonce inattendue : le gouvernement compte abroger officiellement le Code noir. Oui, ce même texte vieux de 1685, qui régissait l’esclavage dans les colonies françaises.
La scène était presque irréelle. Interpellé par le député Laurent Panifous, qui soulignait que ce code n’avait jamais été formellement aboli, Bayrou s’est d’abord montré étonné. « Je découvre cette réalité juridique que j’ignorais absolument », a-t-il avoué sans détour. Une réaction sincère qui a aussitôt été suivie d’un engagement fort : un texte sera présenté au Parlement pour mettre fin, noir sur blanc, à ce vestige d’un passé honteux.
Le Code noir ? Toujours là, juridiquement parlant
Et c’est bien là le problème. Ce texte, écrit sous Louis XIV, listait les règles à suivre pour gérer les esclaves dans les colonies françaises. Une horreur légalisée, qui allait jusqu’à autoriser les châtiments les plus cruels : marquages au fer, mutilations, coups… et même la peine de mort.
On pensait ce texte disparu, aboli dans les faits. Il ne l’est pas. Il a certes été suspendu pendant la Révolution, puis réactivé par Napoléon. Et même si l’esclavage a été définitivement aboli en 1848, le Code noir, lui, n’a jamais été explicitement effacé de l’ordre juridique. Une aberration pour un pays qui se veut défenseur des droits humains.
« Il faut que la République se regarde en face »
C’est ce qu’a demandé le député Panifous à la tribune : que la République se débarrasse enfin de ce fardeau. Et Bayrou, loin de balayer la demande, a saisi la balle au bond. Il a reconnu l’importance symbolique d’un tel geste. « Il faut que nous ayons la volonté de réconcilier la République avec elle-même », a-t-il déclaré. Une phrase forte, presque grave. Un moment suspendu.
Dans les prochaines semaines, un projet de loi devrait donc être déposé à l’Assemblée nationale et au Sénat. Objectif : tourner définitivement la page de ce texte colonial, en lui retirant toute reconnaissance juridique. Pas pour effacer l’histoire, mais pour affirmer, clairement, qu’on ne l’accepte plus.
Un geste tardif, mais nécessaire
Certains diront que ce geste arrive trop tard. Et ils n’ont pas tort. Mais mieux vaut tard que jamais. Dans une époque où les symboles comptent plus que jamais, abroger le Code noir n’est pas un simple acte administratif, c’est un message envoyé à tous ceux pour qui l’histoire coloniale reste une blessure ouverte.
C’est aussi une façon de montrer que la République ne se contente pas de mots quand il s’agit de justice et de mémoire. Qu’elle est prête, parfois, à corriger ses oublis. Même ceux qui datent de plus de trois siècles.