
PHOTO CLAUDE BOYER / L'INDEPENDANT / ILLUSTRATION RESEAUX SOCIAUX /
Je refuse que les algorithmes élèvent nos enfants” : le gouvernement monte le ton contre l’accès précoce aux plateformes numériques
Faut-il fixer un âge minimum pour scroller sur TikTok ou discuter sur Snapchat ? Pour la ministre chargée du Numérique, Clara Chappaz, la réponse est sans appel : “Avant 15 ans, c’est non.” Et ce n’est pas qu’un effet d’annonce. Le gouvernement entend bien transformer cette position en loi, avec ou sans accord européen.
Trop jeunes, trop connectés
Aujourd’hui, les règles sont claires sur le papier : les moins de 13 ans ne sont pas censés utiliser les réseaux sociaux. Dans la réalité, c’est tout autre chose. Selon les derniers chiffres, trois enfants sur quatre de moins de 13 ans sont déjà présents sur au moins une plateforme. Et les ados ? Ils y passent en moyenne 4 heures par jour.
Face à ce constat, la France veut aller plus loin. L’idée : interdire totalement l’accès aux réseaux sociaux avant 15 ans. Une mesure radicale, mais que le gouvernement juge nécessaire pour protéger la santé mentale des jeunes, et limiter l’influence des algorithmes sur leur construction personnelle.
Vers une obligation de vérification d’âge
Le cœur de la stratégie repose sur un point : forcer les plateformes à vérifier l’âge réel des utilisateurs. Jusqu’à présent, une simple case à cocher suffit pour contourner les règles. L’objectif du gouvernement est donc clair : changer ça, à l’échelle européenne si possible.
Clara Chappaz se donne trois mois pour convaincre les partenaires européens d’adopter une position commune. Sinon ? “La France agira seule si nécessaire”, prévient la ministre. Et elle n’exclut pas des sanctions concrètes, à l’image de ce qui a déjà été mis en place pour les sites pornographiques, qui peuvent désormais être bloqués s’ils ne contrôlent pas l’âge de leurs visiteurs.
Une dynamique mondiale déjà enclenchée
La France n’est pas seule sur cette voie. L’Espagne a déjà présenté une loi en 2024 interdisant l’accès aux réseaux sociaux aux moins de 16 ans. En Nouvelle-Zélande, le Premier ministre a lui aussi annoncé vouloir fixer ce seuil. Et en Australie, c’est déjà acté : dès novembre 2025, les plateformes devront exclure les mineurs de moins de 16 ans sous peine d’amendes pouvant grimper à 30 millions d’euros.
Le signal est clair : la tolérance zéro gagne du terrain. Les gouvernements prennent peu à peu conscience de l’impact des réseaux sociaux sur les plus jeunes — et ne veulent plus laisser les géants du numérique fixer les règles du jeu.
“Ce ne sont pas les algorithmes qui doivent éduquer nos enfants”
C’est cette phrase, lancée par Clara Chappaz dans La Tribune Dimanche, qui résume peut-être le mieux l’esprit de cette initiative. “Je refuse que les algorithmes élèvent nos enfants, qu’ils leur dictent ce qu’ils doivent voir, ressentir, à quoi ils doivent ressembler.” Un positionnement clair, qui trouve un écho croissant chez les parents, les enseignants et les professionnels de santé.
Reste à voir si l’Europe suivra, ou si la France décidera de faire cavalier seul dès la rentrée prochaine. Une chose est sûre : le temps du laissez-faire semble révolu.