
C’est un petit document de cinq pages, diffusé discrètement à tous les préfets, mais dont le contenu pourrait peser lourd pour des milliers de demandeurs de nationalité. Bruno Retailleau, nouveau ministre de l’Intérieur, a signé une circulaire qui durcit clairement le ton en matière de naturalisation. S’il n’y a pas de grand bouleversement dans les critères eux-mêmes, la philosophie générale est claire : moins d’automatisme, plus d’exigence.
La nationalité française, un privilège, pas un droit
Le cœur du message est sans détour. Dans cette circulaire, Retailleau insiste sur un principe souvent évoqué dans les débats politiques mais rarement aussi fermement assumé dans un texte administratif : la naturalisation n’est pas un droit, mais une décision souveraine de l’État. Autrement dit, aucune demande n’est acquise d’avance, même si toutes les cases semblent cochées.
Une position assumée publiquement, que le ministre doit développer ce lundi à Créteil, lors d’un déplacement en préfecture. Un déplacement hautement symbolique, puisqu’il intervient alors que Retailleau est non seulement en poste mais aussi candidat à la présidence des Républicains, où il incarne la ligne la plus dure sur l’immigration.
Des chiffres en hausse, mais un contexte tendu
En 2024, 66 745 personnes ont obtenu la nationalité française par décret ou déclaration (mariage, ascendants, fratries), soit 8,3 % de plus qu’en 2023. Cette augmentation s’explique en partie par un rattrapage administratif après une année marquée par des retards techniques. Mais cette dynamique ne doit pas masquer le virage politique amorcé avec cette circulaire, révélée par Le Figaro.
Maîtrise de la langue, valeurs républicaines, parcours exemplaire… les nouveaux marqueurs
Parmi les nouveautés mises en avant dans ce texte, plusieurs signaux forts apparaissent. Le niveau de français exigé sera plus élevé, conformément à la loi Darmanin. L’adhésion aux valeurs de la République devra être démontrée plus clairement, et non plus simplement affirmée.
Surtout, les préfets sont invités à juger du « parcours exemplaire » du demandeur, avec une attention particulière portée à d’éventuelles irrégularités de séjour, même anciennes. Autrement dit, les candidats à la naturalisation devront désormais montrer patte blanche, et bien plus qu’avant.
Un seuil d’autonomie financière relevé
L’un des points les plus concrets de cette nouvelle ligne concerne l’insertion professionnelle. Il ne suffira plus d’avoir un travail ou des ressources au moment de la demande. Le demandeur devra prouver une autonomie sur cinq ans, avec des ressources stables et suffisantes, hors aides sociales. Une exigence qui risque d’écarter une partie des candidats les plus précaires.
Le message est clair : l’État ne veut plus naturaliser quelqu’un qui, même intégré socialement, n’a pas encore atteint une indépendance économique complète.
Les préfets sous surveillance
Retailleau veut aller vite. Les préfets ont trois mois pour mettre en œuvre ces directives et faire remonter un premier bilan. Une manière de s’assurer que la nouvelle doctrine est bien appliquée sur le terrain, sans zone grise ni interprétation trop souple.
Un climat politique chargé autour de l’immigration
Ce durcissement intervient dans un contexte de tensions récurrentes sur les questions migratoires, avec une opinion publique partagée et une droite de plus en plus vocale sur la nécessité de « reprendre le contrôle ». Cette circulaire s’inscrit donc dans une stratégie plus large : rassurer l’électorat de droite tout en imposant une ligne ferme à l’administration.
Reste à voir si cette volonté politique se traduira par une baisse réelle des naturalisations dans les mois à venir — ou si elle aura surtout un effet dissuasif sur les nouveaux candidats.