
Une nouvelle stratégie migratoire qui divise
Bruxelles vient de franchir une étape délicate dans sa gestion des demandes d’asile. Le 16 avril, la Commission européenne a dévoilé une liste de sept pays désormais considérés comme « sûrs », ce qui signifie, concrètement, que leurs ressortissants pourraient plus difficilement obtenir l’asile dans l’Union européenne.
Les pays concernés sont : le Kosovo, le Bangladesh, la Colombie, l’Égypte, l’Inde, le Maroc et la Tunisie. Une annonce qui n’est pas passée inaperçue, et qui soulève déjà de vives critiques.
Des retours facilités, des demandes examinées plus vite
L’objectif affiché par la Commission est clair : accélérer le traitement des demandes d’asile jugées peu fondées, en permettant un rapatriement plus rapide vers ces pays d’origine. Dans les faits, cela revient à considérer qu’un ressortissant de l’un de ces États n’a, en principe, pas besoin de protection internationale. Mais attention, la Commission insiste sur un point : chaque demande continuera à faire l’objet d’une évaluation individuelle.
Il s’agit donc d’un cadre général, qui ne supprime pas totalement la possibilité d’obtenir l’asile, mais qui resserre sérieusement les conditions pour ces demandeurs.
Des divergences au sein de l’UE
Cette initiative vise également à harmoniser les pratiques au sein de l’Union. Aujourd’hui, plusieurs pays – dont la France – ont déjà leurs propres listes nationales de pays dits « sûrs ». Une situation qui favorise les stratégies de « forum shopping », autrement dit, le choix du pays le plus favorable pour déposer une demande d’asile.
C’est l’Italie qui a porté cette proposition avec le plus d’enthousiasme, saluant dès mercredi ce qu’elle considère comme une victoire diplomatique. La France, en revanche, a adopté une position plus réservée, préférant attendre de voir les détails concrets de cette nouvelle approche européenne.
Un sujet explosif sur le plan politique
Avant de devenir réalité, la mesure devra être validée par le Parlement européen et les États membres. Et ce ne sera pas simple. Car derrière cette décision technique se cachent des enjeux hautement sensibles, notamment en matière de respect des droits fondamentaux.
Plusieurs ONG de défense des migrants ont immédiatement dénoncé cette liste. Parmi elles, le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES) a vivement réagi, accusant l’Union européenne de bafouer le droit d’asile.
Un retour en arrière ?
Ce n’est pas la première fois que Bruxelles tente de créer une liste commune de pays sûrs. En 2015, une tentative similaire avait échoué, notamment à cause des désaccords autour de l’inclusion de la Turquie. À l’époque, les débats portaient sur des questions de liberté de la presse, d’indépendance de la justice et de traitement des minorités.
Huit ans plus tard, l’UE revient donc à la charge avec une nouvelle version, sans la Turquie cette fois, mais avec un enjeu identique : concilier efficacité migratoire et respect des valeurs européennes. Une équation qui s’annonce, une fois encore, très difficile à résoudre.