
Face à la domination des géants comme Visa, Mastercard ou PayPal, l’Europe veut reprendre la main sur les paiements. Et la solution pourrait bien s’appeler “euro numérique”. Imaginé comme un portefeuille digital émis par la Banque centrale européenne, ce projet prend forme. Mais de quoi s’agit-il vraiment ? Et comment cela va-t-il changer nos habitudes de paiement ?
Une monnaie numérique pour une Europe plus souveraine
Ce n’est plus une idée dans un tiroir. Le projet d’euro numérique, évoqué depuis plusieurs années, gagne du terrain. Vendredi 11 avril, lors du sommet Eurofi à Varsovie, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a clairement appelé à accélérer sa mise en œuvre. Même son de cloche du côté de la BCE : Piero Cipollone, membre du directoire, a rappelé devant le Parlement européen l’urgence de renforcer l’autonomie stratégique de la zone euro.
Car aujourd’hui, une large majorité des paiements dématérialisés dans l’Union européenne repose sur des technologies non européennes. Treize pays dépendent entièrement d’outils comme ceux de Mastercard, Visa ou encore PayPal. Un constat inquiétant pour la souveraineté financière du Vieux Continent.
Euro numérique : comment ça fonctionnerait ?
Derrière le terme un peu flou de « digital euro », l’idée est simple : il s’agirait d’une monnaie officielle, entièrement numérique, émise par la Banque centrale européenne et utilisable partout dans la zone euro.
Chaque citoyen pourrait créer un portefeuille numérique, à recharger via son compte bancaire ou même en déposant des espèces. Ce portefeuille ne remplacerait pas votre compte en banque, mais il permettrait de stocker une somme plafonnée en euros numériques. En cas de dépassement, l’excédent serait automatiquement reversé sur votre compte classique.
Où et comment pourra-t-on utiliser l’euro numérique ?
Ce moyen de paiement pourrait être utilisé :
- pour régler ses achats en magasin ou en ligne
- pour payer ses factures récurrentes, comme le loyer ou l’électricité
- ou encore pour effectuer un virement entre particuliers, comme vous le feriez avec Paylib ou Lydia.
La promesse ? Une expérience de paiement instantanée, sécurisée et sans frais supplémentaires. Contrairement à une transaction par carte qui met parfois 48 heures à apparaître sur votre compte, ici le débit serait immédiat. Les commerçants, eux, recevraient leur argent sans délai.
Qu’en est-il de la vie privée ?
C’est un point sensible, et les institutions le savent. Selon la BCE, l’euro numérique serait conçu pour protéger les données personnelles. L’Eurosystème ne pourrait pas relier une transaction à une personne. Seules les banques auraient accès à des informations minimales, nécessaires à la gestion des comptes.
L’euro numérique ne vise pas à remplacer les espèces, mais à exister à côté, pour répondre à l’évolution des usages. Les billets et les pièces resteraient donc en circulation.
Une arrivée prévue pour 2027 ou 2028
Pour l’instant, rien n’est encore acté. La phase préparatoire court jusqu’en octobre 2025, et la décision officielle n’a pas encore été prise. Si tout se passe comme prévu, l’euro numérique pourrait commencer à être déployé progressivement à partir de 2027 ou 2028, une fois le cadre juridique finalisé.
L’Union européenne voit en ce projet bien plus qu’un simple outil de paiement. C’est un symbole de souveraineté monétaire, un levier stratégique dans un monde où les flux financiers sont de plus en plus dominés par les acteurs étrangers.