
Cela peut sembler absurde vu d’Europe, mais pour Washington, passer ses vacances à Paris serait aujourd’hui plus dangereux qu’un séjour à San Salvador. Selon la dernière mise à jour du département d’État américain, la France est placée au niveau 2 d’alerte, alors que le Salvador – longtemps considéré comme l’un des pays les plus violents du monde – a été promu au niveau 1.
Quand la carte du risque touristique se redessine à l’envers
C’est une décision qui ne passe pas inaperçue : le Salvador est désormais officiellement jugé plus sûr que la France, le Royaume-Uni ou l’Italie, selon les autorités américaines. Mercredi 9 avril, l’administration Trump a mis à jour son classement des destinations touristiques, attribuant au Salvador la note de sécurité maximale (niveau 1), équivalente à celle du Japon ou du Canada.
Pendant ce temps, la France reste classée au niveau 2, c’est-à-dire une zone où les voyageurs doivent « faire preuve d’une vigilance accrue », notamment à cause de la menace terroriste.
En cause : des « risques terroristes » toujours mis en avant en France
Sur son site Travel.State.gov, le département d’État explique ce classement par des risques d’attentats visant « des sites touristiques, des transports, des marchés ou des centres commerciaux ». Une justification qui n’est pas nouvelle, mais qui pèse de plus en plus lourd dans l’image de la France à l’étranger, notamment auprès des touristes américains.
Le paradoxe, c’est que ce même département place le Salvador – pays encore récemment gangréné par la violence extrême – en haut de son échelle de sécurité. La consigne pour ses ressortissants ? « Prendre leurs précautions habituelles », comme s’il s’agissait d’un séjour dans une capitale européenne.
Une baisse spectaculaire de la criminalité au Salvador… à quel prix ?
Ce revirement est largement lié à la politique sécuritaire très controversée du président salvadorien Nayib Bukele. Depuis 2022, le chef de l’État a lancé une offensive radicale contre les gangs, après une vague d’homicides particulièrement sanglante.
Son approche est simple : tolérance zéro, arrestations massives et détentions arbitraires. Résultat, le pays détient aujourd’hui la population carcérale la plus dense au monde. On y emprisonne à tour de bras, parfois pour un simple tatouage. Et le président ne s’en cache pas : il se présente lui-même comme un « dictateur cool ».
Sur le papier, la stratégie a produit des résultats. Les chiffres de la criminalité sont en nette baisse. Le Salvador affiche désormais un taux d’homicide de 1,9 pour 100 000 habitants, contre 1,2 pour la France. Autrement dit : le pays reste plus violent que l’Hexagone, mais gagne la confiance de Washington.
Bukele et Trump, une entente qui va au-delà du tourisme
Ce rapprochement entre les deux pays ne se limite pas à une simple reclassification sécuritaire. Nayib Bukele sera reçu à la Maison-Blanche le 14 avril, un rendez-vous très symbolique avec Donald Trump, dans un contexte de coopération étroite sur les questions migratoires.
Depuis quelques mois, le Salvador collabore activement avec les États-Unis pour l’expulsion de migrants. En mars dernier, plus de 200 détenus vénézuéliens ont été renvoyés vers des prisons en Amérique centrale. Une manière pour Bukele de se positionner en allié stratégique face aux tensions migratoires.
Une image à double vitesse pour la France
Pendant ce temps, la France continue de souffrir d’une image sécuritaire brouillée à l’international. Les recommandations américaines, même si elles paraissent exagérées, sont lues et suivies par des millions de voyageurs potentiels, qui peuvent hésiter à choisir Paris ou Nice comme prochaine destination de vacances.
Ce classement pose aussi une question plus large : comment un pays peut-il redevenir fréquentable aux yeux du monde à coups d’enfermements de masse, pendant qu’un autre reste pointé du doigt pour des menaces imprévisibles mais réelles ? Un contraste saisissant, à l’heure où la perception de la sécurité devient presque plus puissante que la sécurité elle-même.
Alors que le Salvador grimpe dans les classements, la France devra peut-être bientôt redoubler d’efforts pour restaurer sa réputation… et rassurer les touristes.