
Certaines infections autrefois faciles à soigner deviennent de plus en plus résistantes aux traitements. En cause : l’émergence de bactéries super-résistantes, même aux antibiotiques les plus puissants. L’Europe tire la sonnette d’alarme.
Une menace silencieuse qui s’étend dans toute l’Europe
C’est un avertissement qui ne doit pas passer inaperçu : le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) alerte sur la progression rapide de bactéries ultra-résistantes dans les hôpitaux européens. Parmi elles, des entérobactéries comme Escherichia coli et surtout Klebsiella pneumoniae, qui s’attaquent aux voies respiratoires ou sanguines… et deviennent de plus en plus difficiles à traiter.
La situation est particulièrement préoccupante pour K. pneumoniae : les infections sanguines résistantes aux antibiotiques ont bondi de 57 % depuis 2019 dans 23 pays de l’UE. Ce type d’infection, qui touche les patients hospitalisés, peut s’avérer mortel si elle n’est pas rapidement prise en charge avec un traitement efficace.
Les antibiotiques de dernier recours ne suffisent plus
Le problème, c’est que ces bactéries développent une résistance même aux antibiotiques les plus puissants, notamment les carbapénèmes, utilisés en dernier recours lorsque tous les autres traitements échouent. Et les options thérapeutiques se raréfient.
« Ces infections deviennent de plus en plus complexes à soigner », confirme Piotr Kramarz, scientifique en chef de l’ECDC. « Même si de nouveaux antibiotiques existent, ils restent rares et parfois inefficaces face à ces bactéries mutantes. »
Le constat est inquiétant : les systèmes de santé européens doivent désormais faire face à des infections que la médecine moderne peine à contrôler, avec des conséquences directes sur les patients les plus fragiles, notamment en milieu hospitalier.
Des bactéries désormais présentes… dans notre assiette
Et la menace ne s’arrête pas là. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) a observé une propagation de ces bactéries résistantes chez les animaux et dans l’alimentation, notamment dans la viande porcine et bovine.
Si la transmission à l’homme via l’alimentation n’est pas encore confirmée, des souches identiques ont été retrouvées à la fois chez les humains et les animaux, ce qui laisse craindre une possible contamination croisée. Autrement dit, le problème n’est plus limité aux hôpitaux : il est en train de sortir dans la nature et de s’inviter à notre table.
Une responsabilité partagée entre professionnels et grand public
Face à cette situation, l’ECDC appelle les États membres de l’Union européenne à renforcer leurs actions de prévention, de surveillance et de contrôle. Il est urgent, selon l’agence, d’empêcher une propagation plus large et de protéger à la fois les patients et la population.
Mais nous avons tous un rôle à jouer, rappelle l’ECDC. L’un des facteurs clés de cette explosion des résistances, c’est l’usage abusif ou inadapté des antibiotiques, parfois pris sans raison, ou mal prescrits.
C’est le bon moment pour rappeler un principe essentiel : les antibiotiques ne doivent être pris que s’ils sont prescrits par un professionnel de santé. Utilisés à tort, ils perdent leur efficacité… et on se retrouve désarmé le jour où on en a vraiment besoin.
Une urgence sanitaire qui ne fait pas de bruit, mais qui pourrait coûter cher
La montée de ces bactéries super-résistantes n’est pas aussi visible qu’une épidémie virale, mais ses conséquences à long terme pourraient être bien plus graves. Si nous continuons sur cette voie, des infections simples comme une cystite ou une angine pourraient redevenir des menaces sérieuses pour la santé humaine.
Le combat contre la résistance aux antibiotiques se joue maintenant, dans les hôpitaux, les fermes… et jusque dans nos armoires à pharmacie.