Un texte pour bloquer les fraudes à la source
L’Assemblée nationale a adopté une nouvelle proposition de loi permettant de suspendre temporairement les aides publiques dès qu’un soupçon de fraude apparaît. Porté par le député Thomas Cazenave (Ensemble pour la République), ce texte vise en priorité les dispositifs les plus exposés aux détournements, comme MaPrimeRénov’ et les Certificats d’économies d’énergie (CEE).
L’objectif est simple : éviter que des fraudeurs ne perçoivent des fonds publics en donnant aux administrations le pouvoir de bloquer immédiatement les versements lorsqu’un doute sérieux est soulevé. Une réponse aux difficultés persistantes pour récupérer les sommes indûment versées.
Une loi adoptée en procédure accélérée
La lutte contre la fraude est devenue une priorité pour le gouvernement, qui a choisi d’accélérer l’adoption de cette loi. « La lutte contre la fraude sous toutes ses formes est essentielle », a rappelé Amélie de Montchalin, ministre des Comptes publics.
Thomas Cazenave avait déjà réfléchi à cette mesure lorsqu’il était lui-même ministre des Comptes publics. La dissolution de l’Assemblée l’a contraint à en faire une proposition de loi, mais le fond du problème reste le même : protéger les finances publiques et éviter que des milliards d’euros ne disparaissent chaque année dans des circuits frauduleux.
Ces dernières années, plusieurs mesures ont déjà été mises en place, notamment avec la loi de 2018 et la loi douanes de 2023. Elles ont permis d’augmenter de 50 % les redressements de l’Urssaf liés à la fraude sociale des entreprises. Mais cela ne suffit pas.
Des dispositifs d’aides particulièrement vulnérables
Certains systèmes de subvention sont devenus de véritables cibles pour les fraudeurs. Le rapport parlementaire souligne que plusieurs dispositifs sont jugés très « fraudogènes » en raison de leurs montants importants et de leur accessibilité.
Parmi eux :
- MaPrimeRénov’, qui finance la rénovation énergétique des logements
- Les Certificats d’économies d’énergie (CEE)
- Les aides à l’apprentissage
- Le compte personnel de formation (CPF)
- Les bonus écologiques
Selon la commission des affaires économiques, près de 20 milliards d’euros d’aides publiques seraient particulièrement exposés aux tentatives de fraude. Pour MaPrimeRénov’, le service de renseignement financier Tracfin a repéré près de 400 millions d’euros de mouvements suspects en 2023. En additionnant les fraudes potentielles sur ces dispositifs, les pertes annuelles sont estimées entre 700 millions et 1,6 milliard d’euros.
« Les fraudeurs sont toujours plus organisés et innovants. Notre action doit aller plus loin », a souligné Thomas Cazenave lors des débats à l’Assemblée.
Une mesure qui donne plus de pouvoir aux administrations
Le problème principal aujourd’hui n’est pas tant le manque de moyens, mais plutôt l’absence de cadre juridique clair. De nombreuses administrations hésitent à suspendre les versements, de peur de faire face à des contentieux.
Avec cette loi, les aides pourront désormais être suspendues immédiatement pour une durée maximale de trois mois, le temps d’examiner les soupçons de fraude. D’autres mesures viennent renforcer le dispositif :
- Un meilleur partage des informations entre les administrations pour identifier les fraudeurs plus rapidement
- L’interdiction totale du démarchage abusif sur les aides publiques
- Une obligation pour les entreprises de signaler leurs sous-traitants, en particulier ceux qui ne sont pas labellisés
- La publication des noms des entreprises sanctionnées pour éviter toute récidive
Un amendement, porté par la députée socialiste Marie-Noëlle Battistel, précise toutefois que les indices de fraude devront être « sérieux » avant toute suspension. Une garantie jugée « nécessaire et bienvenue » par Thomas Cazenave lui-même.
Vers une surveillance renforcée des aides publiques
Avec cette réforme, le gouvernement veut agir avant que les fraudeurs ne touchent l’argent, plutôt que de courir après eux une fois les sommes versées. Une approche qui pourrait permettre de réduire les pertes financières et d’assainir le système des aides publiques.
Reste à voir si cette mesure sera efficace sur le terrain. Une suspension trop rapide pourrait également entraîner des erreurs et pénaliser des bénéficiaires honnêtes. Un équilibre devra être trouvé entre lutte contre la fraude et protection des usagers légitimes.
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