
L’Assemblée casse un vieux tabou
C’est un de ces votes qui donnent le ton d’une société qui change. Ce jeudi, à l’Assemblée nationale, un texte a franchi la première étape : il vise à ouvrir le versement des allocations familiales dès le premier enfant. Pour la majorité des familles françaises, cela pourrait marquer la fin d’une inégalité longtemps jugée “normale” dans le paysage social. Si la mesure n’est pas encore loi – le Sénat doit encore s’en saisir – le signal politique est fort.
“On oublie souvent le coût du premier enfant”
Quand on écoute Édouard Bénard, le député communiste à l’origine de la proposition, le constat saute aux yeux : “La naissance d’un premier enfant bouleverse tout, y compris le budget des familles.” Et il énumère : logement plus grand, frais de garde, alimentation, dépenses imprévues. “Aujourd’hui, plus d’un tiers des familles n’auront qu’un seul enfant. Il était temps d’en prendre acte.”
Dans l’hémicycle, la gauche s’est ralliée à la proposition. Quelques députés Les Républicains, et même le Rassemblement national, ont aussi voté pour. Côté gouvernement, on freine. Coût de la mesure : environ 3 milliards d’euros. Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée, a pointé un “cadeau” dont profiteraient surtout les classes moyennes et aisées, arguant que les familles modestes bénéficient déjà d’aides qui seraient mécaniquement réduites.
Le vrai débat : justice sociale ou coup de pouce aux classes moyennes ?
Ce vote a relancé un vieux débat français : à qui doivent profiter les aides sociales ? Certains craignent un effet d’aubaine pour les foyers plus aisés, d’autres y voient une simple adaptation à la réalité d’aujourd’hui. “Il ne s’agit pas d’un jackpot, tempère Édouard Bénard. Pour beaucoup de familles, ce sera 130 euros de plus par mois. Ce n’est pas la lune, mais c’est un vrai coup de pouce.”
Derrière le débat budgétaire, une question de fond affleure : faut-il repenser tout le système d’aides à la famille, ou se contenter d’ajustements au fil du temps ? La majorité reste sceptique. Mais l’adoption de ce texte envoie un signal aux parents d’enfant unique, souvent oubliés dans les débats sur la politique familiale.
Le texte va-t-il aller au bout ?
Adoptée contre l’avis du gouvernement, la mesure doit encore convaincre le Sénat, où la majorité de droite n’est pas acquise à la cause. Mais le débat est relancé. Au passage, les députés ont voté deux amendements qui visent à financer la mesure autrement : revoir l’assiette des exonérations de cotisations patronales et s’attaquer à certaines niches fiscales. Suffisant pour convaincre ? L’avenir le dira.
Ce jeudi, au Palais Bourbon, une porte s’est entrouverte pour les familles d’enfant unique. Reste à savoir si elle s’ouvrira tout à fait… ou si le débat retournera dans les tiroirs du Parlement.